dimanche 30 décembre 2007

Quand un général est en campagne...

Introduction : Ce texte est la traduction d'un extrait des Chroniques Historiques (Shiji) de Sima Qian, un historien du deuxième siècle avant notre ère. Ce passage provient du chapitre 65 et porte sur un épisode de la vie du grand stratège Sunzi, auteur de l'Art de la Guerre.


Sunzi / Sun Tzu et l'art de la guerre, histoire selon Sima Qian
Sunzi était originaire du royaume de Qi, il présenta son Art de la Guerre au roi Helu de Wu.
- J'ai lu les treize chapitres de ton livre, et je me demande si tu serais capable de l'utiliser pour entrainer une troupe.
- Bien sur.
- Et pourrais-tu l'utiliser pour entrainer des femmes ?
- Oui.
Le roi réunit alors cent quatre-vingt femmes de sa suite sur le champ de manœuvre. Sunzi les organisa en deux unités et plaça les deux favorites du roi à leur tête. Il équipa chacune d'une lance-hache.
- Savez-vous toutes faire la différence entre votre poitrine, votre main droite, votre main gauche, et votre dos ?
- Oui.
- Je vais vous donner des ordres. Lorsque je dirai "en avant", vous vous déplacerez en direction de votre poitrine, lorsque je dirai "gauche", vous vous tournerez en direction de votre main gauche, lorsque je dirai "droite", en direction de votre main droite. "En arrière" signifie que vous devez vous tourner en direction de votre dos. Celles qui ne suivrons pas mes ordres serons punies suivant la loi militaire, écoutez attentivement et agissez en conséquence.
Sunzi fit battre le tambour et annonça : "droite !" Les femmes explosèrent de rire.
Sunzi dit : "lorsqu'un général dirige ses troupes, si l'ordre n'est pas clair et n'est pas compris par les soldats, c'est la faute du général". Il expliqua à nouveau, et ordonna : "gauche !"
Cette fois encore, les femmes se mirent à rire. Sunzi dit : "lorsque les ordres ne sont pas clairs, c'est la faute du général. Mais quand le général a précisément expliqué ses ordres et que les soldats refusent encore d'obtempérer, c'est la faute des soldats. Désobéir aux ordres est puni de décapitation, et comme je ne peux pas faire exécuter toute ma troupe, seuls les commandants de chaque unité seront sanctionnés."
Le roi de Wu qui observait la scène du haut d'une terrasse vit ses concubines sur point d'être décapitées et envoya l'ordre suivant : "Général, je constate que tu peux effectivement conduire des opérations militaires, mais si je perds mes deux favorites, je n'aurai plus de raisons de vivre. Ne les fais pas exécuter."
Sunzi répondit : "quand un général est en campagne, il peut refuser les ordres de son souverain." L'exécution se poursuivit et les deux femmes furent mises à mort.
Sunzi plaça deux autres femmes à la tête de chacune des unités, et cette fois lorsque le tambour battit et que de nouveaux ordres furent donnés, tout le monde les exécuta avec diligence, personne n'osa plus lâcher le moindre son.
Sunzi s'adressa alors au roi : "la compagnie a brillamment fini ses exercices. Le roi peut descendre inspecter ses troupes. Elles lui obéiront même si il faut se plonger dans l'eau bouillante ou marcher au travers d'un incendie."
Le roi refusa de descendre et les troupes furent renvoyées. Sunzi dit : "Le roi aime la stratégie et les belles paroles, mais il ne réalisera rien ainsi."
A ces mots, le roi compris que Sunzi savait réellement diriger une armée et le nomma général. A l'ouest Sunzi défit le royaume de Chu et pris la ville de Ying, au nord, il domina les royaumes de Qi et Jin. Son nom fut célébré au travers de toute la Chine.

Commentaire : L'expression selon laquelle un général en campagne peut refuser les ordres de son souverain est devenu proverbiale, elle a été invoquée à de nombreuses reprises au cours de l'histoire chinoise.

samedi 29 décembre 2007

Combat de coqs

Introduction : le Dao De Jing (Livre de la Voie et de la Vertu) est le seul ouvrage connu attribué à Laozi. Le fondateur du Taoisme y condense en seulement 5000 caractères l'essentiel de sa pensée avant de disparaitre mystérieusement. Je vous propose ici une citation du Dao De Jing, accompagnée d'un texte illustratif écrit plus tard par Zhuangzi.

"Un grand général n'est pas belliqueux, un grand soldat ne s'emporte pas, un grand conquérant ne recherche pas l'affrontement."
Dao De Jing, Chp. 68


Un homme nommé Ji Shengzi élevait un coq de combat pour le roi Xuan de Zhou. Après dix jours d'entrainement, le roi lui demanda si son coq était prêt :
- Pas encore, il est intrépide et recherche sans cesse le combat.
Dix jours plus tard, le roi revint et demanda à nouveau si son coq était prêt :
- Pas encore, il attaquerait même son ombre.
Dix jours passèrent :
- Il n'est pas encore prêt : il est haletant et combat dans le vide.
Enfin dix jours plus tard :
- Votre coq est prêt. Lorsqu'il entend le chant d'autre coqs, il ne réagit plus et reste immobile comme si il était en bois.
Lors du combat les autres coqs le voyant impassible dans l'arène s'enfuirent terrorisés.
Si nous sommes en paix avec nous même et avec le monde autour de nous, le succès viendra spontanément.



vendredi 28 décembre 2007

La hache perdue

Un homme avait perdu sa hache et soupçonnait le fils de son voisin de l'avoir volée. Il l'examina attentivement. Le garçon avait l'air d'un voleur, il marchait comme un voleur et parlait comme un voleur.
Quelques jours plus tard, l'homme retrouva sa hache en allant couper du bois dans la vallée. De retour chez lui, quand il croisa le fils de son voisin il ressemblait à tous les autres enfants.

jeudi 27 décembre 2007

Deux regards sur la loi.

Qin Shi HuangDong Eyu était le fonctionnaire en charge de la défense de la région de Shangdi dans le royaume de Zhao. Un jour, alors qu'il visitait des montagnes à proximité de la ville de Shi, il passa près d'une gorge profonde de 400 pieds et demanda :
- De mémoire d'homme, quelqu'un est-il déjà tombé dans cette gorge ?
- Personne.
- Y a-t-il des enfants, des aveugles, des sourds ou des fous qui y soient tombés ?
- Non.
- Est-ce que des vaches, des chevaux, des cochons ou des chiens y sont tombés ?
- Non plus.
- Si les lois étaient aussi claires et les punitions aussi sévères et inévitables qu'une chute dans une telle gorge, personne n'oserait transgresser la loi.
Trop de bienveillance affaiblit la société. Si les condamnations ne sont pas assez strictes ou s'il est possible d'y échapper, les interdictions ne seront pas respectées.

Han Feizi (environ 280 - 233 av. JC)


Pour éviter qu'un pays sombre dans le désordre, des punitions sévères sont nécessaires. Dans un pays qui traverse une période d'anarchie, l'indulgence est essentielle afin de donner au peuple une chance.

Zeng Guoquan (1824 - 1890)


Commentaires : Les idées de Han Feizi ont largement inspiré les dirigeants du royaume de Qin pendant la période des Royaumes Combattants (453 - 221 av. JC) et ont certainement joué un rôle dans sa victoire et la restauration de l'unité de la Chine avec l’ascension sur le trône de Qin Shi Huang (ci-dessus). Mais ces lois, faites de châtiments cruels et disproportionnés, ont aussi précipité la chute de la dynastie Qin, trois ans seulement après la mort du premier empereur.

jeudi 20 décembre 2007

Pourquoi parler de profit ?

Mencius, philosphe chinois
Un jour Mencius discutait avec le roi Hui de Liang, le roi dit : "Toi qui est venu de si loin, tu dois connaitre l'art de gouverner. Cela va profiter à mon pays."
"Pourquoi votre majesté parle-t-elle de profit ? Ce dont vous avez vraiment besoin, c'est de bienveillance et de probité.
Si le roi cherche ce qui profite à son pays, les ministres chercheront ce qui profite à leurs familles, et le peuple cherchera ce qui lui profite, et du haut en bas, tout le monde sera penché sur son propre intérêt. Le pays sera en grave danger.
Dans un royaume puissant qui possède dix mille chariots, celui qui renverse le roi possède au moins mille chariots. Dans un royaume qui possède mille chariots, celui qui renverse le roi possède au moins cent chariots. Avoir mille de dix mille ou cent de mille, c'est bien assez mais si vous parlez de profit et non de probité personne ne sera satisfait avant de posséder tout pour lui seul.
[...] Pourquoi donc parler de profit ? Seules la bienveillance et la probité permettront aux habitants de travailler ensemble pour le bien de tous."


Commentaire : J'ai choisi pour commencer ce court extrait du Livre I du Mencius parce qu'il me parait remarquablement bien adapté à l'actualité, démontrant la pertinence encore aujourd'hui d'une œuvre compilée il y a près de 2400 ans.

Introduction

L'Asie et l'Occident ont des traditions philosophique qui se distinguent évidemment, mais les différences se trouvent plus sur la forme que sur le fond : On peut trouver des réminiscences des valeurs chrétiennes chez Confucius, par exemple, mais on n'y verra que très rarement une philosophie aussi abstraite que celle d'un Platon ou d'un Descartes. La sagesse chinoise est une sagesse en action.
Confucius, Mencius, SunZi ou LaoZi, pour ne citer qu'eux, étaient -ou aspiraient à être- fonctionnaires. Leur pensée était adressée aux dirigeants, formulée dans un soucis d'efficacité et d'intelligibilité avec des textes courts illustrés de nombreuses paraboles.
Conséquences de cette particularité, les textes classiques chinois sont accessibles à tous et si Platon reste très éloigné de nos préoccupations quotidiennes, on comprend très facilement comment un texte de Mencius d'applique à notre vie de tous les jours.

Des lectures enrichissantes, donc ... à condition de disposer de ces textes. Je sais par expérience que sorti des grands classiques -et encore !- ils sont presque introuvable en français.
Je traduis pour mon propre usage des livres ramené de Chine. C'est ces traductions que je vais publier ici au gré de ma motivation et de l'actualité.

En vous priant, par avance, d'excuser toutes les erreurs et inexactitudes que vous trouverez dans mon travail, je vous souhaite un bonne lecture.

"Quand un homme de bien veut trouver sa place, il aide autrui à trouver la sienne. Quand il cherche le succès, il aide les autres à réussir. Il ne les juge que par ce qu'il connait de lui même."
Confucius.